Vinton Cerf s’exprime sur l’Internet du futur


Vinton Cerf, l’un des créateurs de l’Internet, président pendant 12 ans de l’ICANN et aujourd’hui vice-président de Google intervenait depuis le siège de Google à Mountain View en Californie. Voici, pour les lecteurs de cette lettre, la tra-duction que j’ai faite du discours de Vinton Cerf.

Gérard Peliks
Président de l’atelier sécurité de Forum ATENA


 

 

Louis Pouzin accueille Vinton Cerf et évoque leurs travaux communs qui ont aboutit à la création de cette "chose catastrophique" J que l’Internet est devenu. Vinton félicite Louis Pouzin pour ses contributions dès les débuts de l’Internet, et en particulier sur la commutation de paquets et les datagrammes. Il souligne que de nombreux Français sont intervenus dans le développement et l’évolution des technologies de l’Internet et cite en particulier Rémi Després, Gérard Deloche et Michel Elie (*) à l’UCLA, Christian Huitema à l’IETF, Gérard Le Lann qui était, avec Vinton Cerf, à l’université de Stanford pour développer les protocoles TCP/IP, Hubert Zimmermann et Louis Pouzin pour leurs travaux dans le cadre des projets Cyclades et Cigale.

Vinton Cerf estime le nombre d’utilisateurs actuels de l’Internet à 1,7 milliards, ajoutés aux 4 mil-liards de mobiles en activité dont 20% ont des possibilités d’utiliser l’Internet et la moitié d’être eux l’utilise. Ce qui fait un total estimé de 2,1 milliards d’utilisateurs en ligne aujourd’hui, soit 30% de la population mondiale.

Point important, avec l’IPv4, seul 10% de l’espace d’adressage initial reste disponible. Donc pour rendre accessible l’Internet à 100% ou même à 75% de la population mondiale, le nombre d’adresses encore attribuables en IPv4 est nettement insuffisant et sera d’ailleurs épuisé l’année prochaine. Du coup l’IPv6 qui utilise un nouvel espace d’adressage de 128 bits alors que l’IPv4 ne dispose que d’un espace d’adressage de 32 bits, prend toute son importance pour assumer le long terme de l’Internet.

Deuxième point important l’introduction de l’internationalisation, avec la prise en compte, entre autres, des caractères cyrilliques, chinois et coréens. Pour cela, l’encodage UNICODE, demandé depuis 2003, qui est une des réclamations essentielles dans l’évolution des protocoles de l’Inter-net, devrait être incorporé dès 2010.

Il y a la question extrêmement importante du "sans fil", pour les mobiles mais aussi pour les pos-tes fixes avec l’utilisation du Wi-Fi et du WiMAX. Des réseaux "large bande" dédiés peuvent être attribués à l’Internet filaire puis être dirigés ensuite vers le sans fil.

La localisation, par exemple avec le GPS, ou les ondes radio, permet de déterminer où nous som-mes par rapport aux stations de base qui recevront les informations des mobiles, et l’information échangée pourra donc être "orientée d’après le lieu".  C’est important car par exemple si on cher-che le restaurant le plus proche, il est utile qu’on puisse être localisé.

De nouveaux périphériques ont ou auront des capacités internet, comme au bureau les Fax et les imprimantes, et au domicile les machines à laver et les réfrigérateurs.

La génération et la distribution de l’énergie électrique pourront être gérées par la demande. Aux USA, est développé un projet très populaire, nommé "smart grid" qui saura, à quel moment, quel élément matériel aura besoin d’électricité, et à quel moment il en aura moins besoin, rendant ainsi la fourniture d’électricité plus intelligente. Ceci permettra de répondre aux pics de demande d’alimentation.

Cette décade connaîtra l’Internet des objets qui s’oppose à l’Internet des personnes et à l’Internet des calculateurs. Nous sommes certains que de plus en plus nombreux seront les objets présents sur l’Internet mais la commutation de paquets possède des propriétés miraculeuses, et peut transporter n’importe quel objet numérique. En conséquence, pour l’environnement de l’Inter-net, tous les médias d’hier comme la télévision, la radio, la téléphonie convergeront dans un en-vironnement internet, se découvriront les uns, les autres dans un cadre domestique et implique-ront une baisse du coût de la distribution du numérique.

Google met en œuvre de très gros centres de calcul, répartis autour du monde, et utilise le de-venu très populaire "Cloud Computing". Cette expression est difficile à traduire en langue fran-çaise car il peut faire supposer qu’on a l’esprit dans les nuages, mais en Anglais, il signifie que la puissance de calcul et les services peuvent se situer n’importe où, quelque part sur l’Internet.

Face à l’Internet, au sommet de la liste de Vint se trouve la sécurité. L’Internet est moins sécurisé aujourd’hui qu’il devrait l’être et pas assez facile à utiliser. L’IPv6 et son adressage étendu ne sont qu’une partie du problème posé par l’expansion de l’Internet. Un autre problème, qui le turlupine est l’authenticité qui inclut l’identité et l’intégrité. On souhaite avoir une connaissance de ceux avec qui on correspond et savoir quelles applications on utilise.

On veut s’assurer de la persistance du contenu d’origine. Google indexe l’Internet mais ne main-tient pas l’historique de ce qu’il a indexé. Or les objets numériques subissent des changements. Il faudrait capturer des objets numériques et les maintenir en l’état pour avoir des références sur leur historique, durant une période qui peut être longue. De plus en plus d’objets numériques sont produits : tableurs, traitements de texte, objets complexes comme vidéos et jeux numéri-ques. Si nous ne conservons pas les utilitaires capables de les traiter, ces objets numériques seront devenus inutiles. Comment maintenir la possibilité de comprendre la signification de ces objet durant une période de temps qui doit pouvoir être longue (une centaine d’années) ?

Il y a le problème juridique posé par la transnationalité de l’Internet. "Qui est en charge de quoi" est un problème car l’Internet ne connaît pas les frontières. Pour le e-Commerce le problème juridique est posé pour la reconnaissance de la signature électronique par un système internatio-nal qui soutiendrait le commerce électronique.

Des camarades de Vint, à la NASA et dans d’autres agences spatiales dans le monde travaillent sur une extension de l’Internet car le protocole TCP/IP atteint ses limites pour couvrir les très grandes distances que l’on rencontre dans l’exploration spatiale.


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