Sous ce titre, évidemment inspiré de l’actualité, lire par exemple http://bit.ly/wivoS4, nous voulons parler ici de deux des points qu’un créateur souhaite généralement que l’on ne fasse pas de son travail : modifier ou transformer son œuvre en le recopiant (droit moral) et le commercer ou faire commercer (droit patrimonial) sans qu’il ait son mot à dire. Cette problématique a existé de tout temps mais elle a été amplifiée avec l’avènement d’Internet et du Web qui proposent d’extraordinaires facilités en copie, en visibilité et en transfert de contenus audiovisuels et cinématographiques numérisés par tout un chacun.
L’évènement historique dans la jeune histoire d’Internet qu’ont constitué l’arrêt subit des DNS de la société MegaUpload et la destruction annoncée de données privées sur ces serveurs, couplé avec les débats autour des lois (en cours de) mises en place – SOPA, PIPA, ACTA, HADOPI – a mis en avant l’incroyable réactivité, dans un sens ou dans un autre, des internautes, des associations impliquées, des filières industrielles et des législateurs dès lors qu’il s’agit de droits d’auteur d’œuvres musicales, audiovisuelles, cinématographiques… Alors que certains détenteurs de propriétés industrielles auraient bien aimé que l’on s’occupe avec autant d’empressement et de force légale des contrefacteurs bien mis en avant, voire relayés, par les services « Shopping » des outils de recherche bien connus sur Internet. Le sujet est sensible.
Aussi pour les spécialistes, cet article est sans doute trop simplifié et l’auteur trop peu compétent pour débattre globalement des droits d’auteur. Je souhaite ici simplement initier et soumettre à discussion certains aspects qui touchent directement la distribution des contenus audiovisuels et cinématographiques numérisés sur Internet(pour un regard détaillé et complet de ce sujet, voir la thèse de Sophie Boudet-Dalbin soutenue le 12/12/2011http://bit.ly/rDE0Z8). Mon premier souhait est de montrer qu’il serait particulièrement intéressant, pour approfondir ce sujet socio-économiquement très vaste, que des historiens spécialisés étudient les « comment cette problématique des droits d’auteur étendue à cette technologie de rupture, que sont les reproductions numériques et le medium Internet accessibles à tous, a été traitée lors de l’apparition de précédentes techniques de rupture » : de la photographie jusqu’au lecteur-enregistreur en passant par le scanner, de la TSF jusqu’aux transports électroniques en passant par le fichier numérique. A l’image de l’excellent numéro de la revue Les collections de l’Histoire d’octobre-décembre 2005 consacré à l’écriture : on y apprend que si la copie a toujours existé elle a été multipliée dès l’invention (ou popularisation) de la sténographie à la fin du XVIe siècle en Angleterre. A l’époque, il s’agissait surtout de rejouer les pièces des grands auteurs dans les provinces. De même, une étude historique sur le comportement socio-économique des consommateurs des œuvres serait tout aussi indispensable : aujourd’hui, une partie de la nouvelle génération se contente souvent de regarder des œuvres en très mauvaise qualité et/ou sans confort et il n’est pas sûr que ce soit dû à la seule gratuité. Je ne sais pas s’il en existe mais je suis convaincu qu’à défaut d’être complète, toute évolution légiférée ou qui nécessite une régulation ne peut être consistante « qu’à ce prix », qu’avec ce travail préalable.
A ce propos, Molière aurait-il été connu s’il n’avait pas été copié ? C’est une grande question qui en appelle d’autres sur notre sujet : les « téléchargeurs » illicites de films ne sont-ils pas de grands acheteurs de DVD ou de tickets de cinéma ? Ne font-ils pas partie des principaux acteurs du « bouche à oreille », le fameux « spray the word » que les spécialistes du « e-marketing » tentent de développer sur Internet ? Y-a-t-il eu des études sur ces questions ? Si nous revenons à l’actualité, le projet MegaUpload + UbicMedia aurait pu contribuer à répondre grâce aux millions d’usagers mensuels de MegaUplaod qui devait tester un modèle nouveau. Emmanuel Gadaix de MegaUpload a déclaré au Sénat le 11 janvier 2012 : « nous allons faire un essai avec eux (UbicMedia) pour la distribution d’œuvres et les mettre en place de manière totalement légale avec le contrôle complet des Ayants droit afin qu’ils puissent utiliser notre plateforme en tant que site d’hébergement et ainsi profiter de nos centaines de millions d’utilisateurs et de toute la présence globale que nous avons. », et j’ajoute, en permettant de tester tous les modèles socio-économiques possibles. Une étude européenne tend à montrer par exemple que de 10 à 20 % au moins des « téléchargeurs » dits illicites auraient payé l’auteur ou le producteur, ce qui représente un chiffre d’affaires égal voire supérieur au Box Office mondial.
Brièvement et très schématiquement, le terme « droits d’auteur » apparaît (pour la 1ère fois) en 1838 en France et tend à s’internationaliser avec la Convention de Berne à partir de 1886 signée par 10 pays puis jusqu’à environ 180 pays en 2009. Elle a donné une position centrale à l'auteur, alors que le « copyright » anglo-saxon s’attache à la protection de l’œuvre elle-même. Les droits ont été étendus et renforcés avec les nouvelles technologies durant le XXe siècle. En ce siècle, ils sont plutôt remis en cause car l’essor de cette dernière rupture, l’économie numérique, semble donner naissance (ou libérer ?) à de nouveaux comportements socio-économiques aussi bien des auteurs que des consommateurs au détriment de filières intermédiaires. Ces dernières doivent faire face à ce nouveau paysage ; schématiquement, elles ne peuvent que s’orienter vers une concentration de ses propres acteurs y compris les sites de VoD (catalogues, « agrégateurs »…) qui n’ont fait que reproduire grâce à l’application Web au-dessus d’Internet, le modèle antérieur : producteurs, agents internationaux, distributeurs locaux, exploitants et en gardant partiellement ou totalement les règles d’exclusivité. C’est le règne des hyper-marchés Web, du e-commerce étendu aux biens immatériels. Le mode de répartition légale et équitable des revenus pour les Ayants droit y est presque insoluble dans ces modèles qui généralement demandent au consommateur de s’abonner au site et non d’acheter un visionnement du contenu. Elle est généralement complétée par une répartition elle-même très difficilement contrôlable des revenus publicitaires. Elle est de plus amputée des coûts de mis en avant marketing des contenus dans ces mêmes sites !
Encore schématiquement, s’agissant du bien matériel en Amérique du Nord, le leader NetFlix et d’autres ont profité de la « first sale doctrine » qui lui permet d’acheter des DVD puis de les louer « physiquement » à volonté sur Internet sans rien devoir ni avertir les Ayants droit de toute nature. Il en est de même pour la revente de DVD par les Musées, leur location par les Médiathèques, etc… En Europe et autres régions, cela n’est pas légal, et cela a participé aux fameux débats sur la copie privée. Lorsque NetFlix a étendu son site de location de DVD à la fonction de VoD, ce principe ne pouvait plus s’appliquer, d’une part parce que cette doctrine ne s’applique qu’aux biens matériels et d’autre part parce qu’elle suppose une utilisation unique simultanée du DVD acheté. Principe difficilement prolongeable sur un site Web de VoD : imagine-t-on chacun des centaines voire des milliers d’internautes devant attendre que tous les autres internautes ayant déjà acheté le droit de voir aient fini de le voir ! C’est alors le retour aux marges garanties (voir l’article des Echos des Finances n° 20990 du 8 août 2011 sur la mésaventure de NetFlix avec Starz qui possédait 22% des contenus mis en VoD) et donc la recherche d’un prix de revient soutenable, prix déjà amputé par les coûts des techniques centralisées de streaming sur Web. En dehors peut-être de la concentration et de ses revenus publicitaires, ce modèle devient insoutenable.
Une piste, peut-être saine, pour une évolution complète et consistante de la distribution et les visionnements des contenus numériques à valeur marchande sur Internet, rappelons que c’est notre propos ici, est de considérer comme postulat qu’Internet est un nouveau medium pour un nouveau marché, totalement complémentaire au Cinéma et TV, comme l’ont été et démontré par leur immense succès, le VHS, le CD et le DVD qui pourtant nécessitaient l’achat d’équipements à la maison. Dans ce cas, si l’on revient à nos deux préoccupations de l’introduction, un auteur ou producteur de cette génération pourrait imaginer :
« (a) En ce qui concerne la reproduction de mon œuvre, j’accepte une certaine transformation afin que le fichier de mon contenu numérisé (pseudo-master numérique) puisse être diffusée vers le plus grand nombre des internautes (droit de reproduction) et je contrôle cette qualité (droit moral). »
« (b) En ce qui concerne mes revenus sur la vente et re-vente des visionnements de mon œuvre respectant mon travail créatif ou d’édition, (b.1) soit j’en demande un prix suffisamment élevé pour que j’accepte qu’elle soit revendue ou relouée par les acquéreurs sans que je n’y ai rien à dire, mais je contrôle encore la qualité de mes images (droit moral), mon copyright (droit de reproduction) et les audiences (extension de la « first sale doctrine ») (b.2) soit je détermine un prix de vente compatible avec les prix Internet (forcément inférieur au prix d’entrée d’une salle qui offre le fauteuil, le grand écran, les services annexes et l’environnement social) mais je peux exercer à tout moment mon droit opposable (« droit de suite ») sur toute revente sous forme de retour monétaire ou de royautés accordés au revendeur ou prescripteur internaute, voire même en contre-partie d’actions marketing de type « spray the word » par exemple. »
Ceci revient à considérer Internet comme une salle de cinéma universelle où se côtoient tous les films dont la visibilité dépendra des internautes eux-mêmes : les fans sur les réseaux sociaux, les blogueurs prescripteurs, les auto-distributeurs comme les hébergeurs ou les utilisateurs de réseaux P2P, ou encore les professionnels en marketing ou agences de communication spécialisés dans le numérique. Ce marché existe réellement potentiellement en terme de comportement des internautes : diverses études tendent à démontrer d’une part que 2/3 des internautes acheteurs ou vendeurs sur Internet le seront encore plus activement s’ils peuvent à la fois acheter et vendre et d’autre part qu’entre ½ et 2/3 des internautes achèteraient volontiers sur le conseil d’« amis » dans les réseaux sociaux.
En continuant l’analogie avec les spectateurs en salle de cinéma, l’accès au film sera donc un ticket d’entrée dans une salle virtuelle qui fonctionne 24/24 et depuis n’importe quelle connexion Internet. Ces tickets à usage unique peuvent être achetés par lot et revendus ou … la créativité sera de mise sur ce point. Le Créateur peut demander à ce qu’un usage soit multiple (par exemple l’équivalent du déchirement des quatre coins d’un ticket…). Un ticket peut être aussi un carton d’invitation à une séance privée entièrement contrôlée par l’Ayant droit.
Enfin, les visionnements ainsi achetés ou permis sur invitation doivent pouvoir être consommés par tout un chacun quelque soit la connexion Internet disponible : si la connexion d’un Internaute est supérieure au taux d’encodage du film décidé par le Créateur, alors il peut le voir immédiatement, si elle inférieure, il devra attendre plus ou moins longtemps avant de commencer de voir mais à la même qualité que celle désirée par le Créateur (droit moral). Si le film est sur dispositif hardware (clés usb, hdd, dvd…), le film sera vu immédiatement.
Ce système respecte les « droits de suite » de tout Créateur ou de ses représentants (Ayant droit) et peut être utilisé pour une « first sale doctrine » étendue à Internet pour les sites de e-Commerce de contenus numérisés virtuels. En effet, les technologies architecturales (sécurité système) peuvent permettre de garantir la pérennité du quadruple lien (sécurité métier) entre l’Ayant droit, le contenu numérisé, l’internaute (même anonyme) et, s’il y a, le(s) revendeur(s)/prescripteur(s), où que se trouve le contenu et quelque soit le dispositif de visualisation (sécurité applicative).
Pour conclure et en espérant une suite à cet article clairement conduit par l’actualité donc forcément incomplet et teinté de subjectivité, citons la Spedidam, société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes, qui écrit (29/01/2012) en concluant son rapport 2011 : « Les plateformes de diffusion de musique sur Internet, comme celles qui ont été labellisées en 2011 par Hadopi, font un commerce légal mais inéquitable. » Dans cette voie de plateformes Web e-Commerce, il est certain que dans l’audiovisuel et le cinéma où les droits sont très complexes, « l’inéquitabilité » deviendrait la règle et la « légalité » incontrôlable (voir à ces sujets, la newsletter du 6/02/12 d’Electronlibre.info).
Ce qui serait dommage car Internet, qui a été pour beaucoup d’acteurs de la filière Cinéma qualifié de cause de toutes les dérives, contient et peut fournir en fait la solution à un niveau qui n’a jamais été atteint pour le bénéfice des Auteurs et des Ayants droit.
C’est ce type de solution, qui provient de 4 ans de recherches totalement orientées vers les Créateurs et Ayants droit « internautes » et vers une expérience confortable des internautes spectateurs, qu’offre le système PUMit de ma société UbicMedia. Cette solution est proposée, en Amérique du Nord et dans les pays BRIC, aux éditeurs de sites de partage et gestion de documents (un partenariat a commencé avec BOX, un des leaders américains), aux studios producteurs et distributeurs (un partenariat a été signé avec Starz Media et elle est étudiée et proposée aux Majors), aux éditeurs d’outils de Post-Production, aux sociétés de e-marketing (un accord est signé avec CrowdStarter) et aux hébergeurs offrant des services comme Amazon, Akamaï, EMC et bien sûr MegaUpload qui nous a contactés dans ce contexte pour devenir la plus grande salle de cinéma du monde, pleinement légale et équitable puisque contrôlée par les Ayants droit eux-mêmes. Déjà, en ce début d’année, UbicMedia devait y mettre pour le compte de Starz Media des séries numérisées traitées par PUMit et ainsi bénéficier immédiatement des millions de spectateurs mensuels potentiels !
Dans cette affaire MegaUpload doté du système PUMit, les Créateurs ont perdu une excellente solution pour commercialiser leurs œuvres, sans doute la plus grande salle de cinéma dont ils pouvaient rêver. Les sites de VoD « online » ont gagné une concurrence en moins et s’attachent à récupérer cette audience, ce qu’ils affirment observer ces jours. C’est peut-être bien là un aveu que des utilisateurs de sites dits illicites mais de qualité accepteraient de payer s’ils y trouvaient légalement les films qu’ils recherchent ou qui leur sont proposés. Clairement, leur motivation ou le fait de leur entrée sur ces sites n’était pas du tout seulement la gratuité. Pourquoi donc ? est la seule et bonne question pour déterminer les nouveaux modèles socio-économiques sur Internet.
Alain ROSSET, président d’UbicMedia SAS et INC.