En cette fin 2021 quoi de neuf sur le HDH et GAIA-X ?

Jean-Jacques URBAN-GALINDO  –  décembre 2021

Il y a souvent dichotomie entre le « logos » et la « praxis »

Il se dit que les français n’auraient pas de mémoire, manqueraient de constance, parfois je me demande si je suis bien français.

Ce qui se confirme chaque jour davantage et me fait douter de mes capacités intellectuelles (est-ce la sénilité qui souvent frappe à mon âge déjà avancé ?) c’est l’apparente distorsion que je perçois entre les paroles et les actes de nos dirigeants, au plus haut niveau de l’Etat, nos Ministres.

Ce n’est pas nouveau, venant de politiques plus pratiquants de la langue de bois que de paroles claires engageantes, de promesses tenues.

En ce qui concerne la stratégie numérique, j’accuse nos dirigeants au minimum d’aveuglement et de manque de constance, de volonté (de courage ?) face à un déferlement technologique dont on a bien vu qu’il conditionne toutes nos activités, jusqu’à mettre en péril les fondements de nos sociétés. C’est bien de notre souveraineté dans la plupart des domaines, y compris « régaliens » qu’il s’agit !

Rappel des épisodes précédents le HDH

Au début de l’année 2020 nous avons découvert que, dans des conditions étonnantes (sans appel d’offres « officiel »), la solution Azure de Microsoft avait été choisie pour héberger nos données de santé dans l’application « HDH »

(Health Data Hub, pourquoi diable un nom anglais pour une application bien française, espérons-le, je suppose que cela fait plus avancé : seuls les californiens savent faire de l’informatique, c’est bien connu ! « Discours de la servitude volontaire » La Boétie 1574).

Cette application faisait suite au rapport du Député Cédric Villani, célèbre et brillant mathématicien, médaille Fields, sur l’IA (Intelligence Artificielle, nouvelle coqueluche des médias). Contrairement à ses recommandations qui préconisaient de développer des outils français, la décision aurait été guidée par la disponibilité, chez Microsoft, d’une bibliothèque de modules qui n’auraient pas d’équivalent.

Pour ma part je doute fort que nous n’aurions pas pu, avec un peu de volonté, faire développer des modules équivalents ou meilleurs par notre brillante école de mathématiciens (qui souvent émigrent aux USA, n’ayant pas l’occasion d’exercer leurs talents sur des projets motivants en France.

Malgré mes recherches et mes demandes répétées je n’ai d’ailleurs jamais pu obtenir la liste de ces outils miraculeux … Je suis un peu comme Saint Thomas quant à leur existence !

En juillet 2020 un arrêt de la Cour de Justice Européenne dénonce l’accord « Privacy Shied » entre l’Europe et les Etats-Unis sur la protection des données personnelle, la solution choisie pour le HDH n’est plus conforme au RGPD, une solution souveraine doit être engagée. Le Ministre de la Santé et le Secrétaire d’Etat au Numérique s’engagent, mollement, dans la recherche d’une solution souveraine, « dans les 2 ans » !

Fin 2020 je publie un article où je m’inquiète des progrès, modestes, dans la réalisation de cette action …

Le sujet critique de nos données de santé en cette fin 2020

https://forumatena.org/le-sujet-critique-des-donnees-personnelles-de-sante/

Depuis que dire de l’évolution de la situation sur les 12 mois écoulés ?

Heureusement que je n’ai pas été endormi par les propos rassurants prononcés par nos Ministres que je rapportais dans mon article ; j’appelais néanmoins à la vigilance,

« J’ai donc quelques sujets d’inquiétude que je vais continuer à surveiller de près : »

bien m’en a pris :

  1. Le gouvernement a inventé une notion de « cloud de confiance », annoncé au mois de mai. Il prévoit de pouvoir intégrer des solutions non européennes (en clair des GAFAM/ MAGAF) dans des offres, plusieurs accords ont rapidement été annoncés, à croire qu’ils étaient préparés de longue date …
    Ainsi l’offre « Bleu » de Capgemini et Orange avec … Microsoft
  2. Dans le plan France 2030 le « Numérique » n’est pas identifié explicitement alors que nous savons tous qu’il est partout essentiel, transversal et conditionne toutes nos souverainetés
  3. L’application Espace de Santé Numérique (qui va remplacer le Dossier Médical Partagé DMP) va être étendu en janvier 2022 sans que ceux qui peuvent porter une appréciation sur l’architecture et l’articulation avec le HDH soient, comme simples citoyens, informés du devenir à terme de notre système de santé.
  4. Dans un entretien à l’occasion du FIC , Guillaume Poupard Directeur de l’ANSSI, laisse entrevoir la perpétuation de la solution Azure pour le HDH, le transfert sur une autre solution étant très coûteux

« Porter le HDH sur des technologies radicalement différentes représente un effort considérable. Ce n’est pas exclu : si nous n’arrivons pas à créer Bleu ou des offres similaires, il faudra le faire. Évidemment, porter le HDH sur Bleu serait le plus simple, le moins coûteux, le plus conservateur en termes de développement »

Dès lors je suis très pessimiste, alors que de nombreuses voix se sont élevées contre ces choix, il semble bien que les politiques, nos représentants, on perdu le contrôle, laissant les techniciens entourer ces sujets de rideaux de fumée leur laissant les mains libres pour des choix « techniques » alors qu’il s’agit de questions stratégiques fondamentales, pour la santé on pourrait même dire, sans exagérer, vitales !

Le « Cloud Souverain » le projet GAIA-X

GAIA-X est l’autre projet mentionné, en incise, dans mon article de fin 2020.

Annoncé en grande pompe par Bruno Lemaire le 4 juin 2020 avec son homologue allemand j’avais compris que les objectifs visaient une architecture de « cloud » interopérable,  respectant strictement le RGPD, permettant une récupération des données et logiciels pour éventuellement permettre une implantation aisées des applications sur un autre hébergeur, une certaine portabilité.

En gros, l’application du principe de concurrence parfaite, le mantra de l’Europe depuis longtemps, que certains considèrent comme la signe le plus évident de la naïveté qui nous caractérise. Aucun grand espace économique (USA et dépendants, Chine) n’est, autant que l’Europe, ouvert à tous les concurrents.

On notera que nos concurrents notamment US se caractérisent par des efforts considérables et réussis pour faciliter l’installation d’applications sur leurs serveurs puis de faire en sorte que les quitter pour une autre plateforme soit particulièrement difficile !

Dès le lendemain 5 juin je partageais avec les membres de Forum ATENA mes observations et mes interrogations. J’en ai fait récemment un article sur Linkedin :

https://www.linkedin.com/pulse/gaia-x-pr%25C3%25A9sentation-franco-allemande-du-04-juin-2020-urban-galindo

Je m’inquiétais en particulier de la possible acceptation des GAFAM dans cette organisation, de sa gouvernance et des choix de priorités.

Si j’avais été à la manœuvre, pour respecter les objectifs « basiques » énoncés, j’aurais orienté les travaux prioritaires sur la couche technique permettant l’interopérabilité, une sorte de POSIX au niveau des serveurs.

Le choix a été au contraire de travailler sur la sémantique des modèles de données, un des domaines où la complexité de l’Europe, organisationnelle, culturelle et linguistique en fait un obstacle naturel à l’invasion des GAFAMS !

Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour imaginer que si l’on acceptait les GAFAMs dans l’organisation du projet ils seraient admis dans les groupes de travail, qu’ils y seraient présents, en masse, et profiteraient de l’anglais comme la langue d’échange, avec les objectifs de :

  1. Récupérer autant d’information que possible pour préparer leurs futures attaques sur des secteurs encore peu traités (santé, données industrielles …)
  2. Faire trainer les travaux afin que les conclusions tardent à se dégager et que la complexité soit maximale, de telle sorte que la mise en place des « standards » soit très difficile. Leurs solutions partielles apparaissant comme la panacée, comme d’habitude pratiques et consolidant tout à la fois leur hégémonie et renforçant le sentiment que décidément ils sont les meilleurs pour FAIRE. Il faut reconnaitre qu’ils font en sorte de le prouver régulièrement.

Que pensez-vous qu’il advint ?

Les GAFAMS, BATX, indiens et autres furent admis. Le summum pour moi fût l’acceptation de Palantir !

Des membres importants quittent le projet GAIA-X qui s’embourbe. Une fois de plus l’Europe démontre que sans volonté stratégique de puissance reconnue et un pilotage volontariste la souveraineté numérique est un mirage.

On peut d’ailleurs se demander si nos dirigeants la recherchent vraiment !

Pour tenter de répondre à cette question lancinante, je prévoir de préparer une dizaine des questions élémentaires destinées aux candidats (présidentielles et Assemblée Nationale) afin que des réponses claires lèvent cette ambigüité …