Mai 2021  –  Jean-Jacques Urban-Galindo

ETSI est l’organisation internationale qui a défini les premières normes GSM

https://www.etsi.org/

Dans un communiqué de presse publié le 6 avril 2021 l’organisation qui pilote la normalisation des protocoles de communication GSM annonce la publication de 3 rapports qui proposent des nouvelles solutions afin de combler certaines des faiblesses congénitales de TCP/IP.

C’est, pour ceux qui croiraient encore que le protocole TCP/IP est universel et pour longtemps encore, LA solution, une information qu’ils devraient analyser avec soin.
Elle donne raison à Louis Pouzin qui depuis des années déjà affirme « Internet (TCP/IP) est construit sur un marécage »

ETSI Non-IP Networks releases first Reports

ETSI publie ses premiers rapports pour des réseaux « Non-IP »

https://www.etsi.org/newsroom/press-releases/1903-etsi-non-ip-networks-releases-first-reports

ETSI GR NIN 001, détaille les lacunes de TCP/IP pour les réseaux radio, décrit les défis de la mise en réseau basée sur IP pour les réseaux fixes et mobiles et comment les nouveaux protocoles de réseau peuvent permettre une amélioration des performances. Voir :

https://www.etsi.org/deliver/etsi_gr/NIN/001_099/001/01.01.01_60/gr_NIN001v010101p.pdf

ETSI GR NIN 002, envisage de tester les réseaux « non IP » sur les réseaux d’accès radio cellulaires 5G ; des approches pour tester le Non-IP Networking (NIN) en utilisant l’accès radio mobile. Une pile de protocoles non-IP directement au-dessus de la couche radio PHY du 3GPP, des scénarios d’essai adaptés aux tests de validation de concept pour les dispositifs IoT à faible puissance, pour les services vidéo et audio. Voir :

https://www.etsi.org/deliver/etsi_gr/NIN/001_099/002/01.01.01_60/gr_NIN002v010101p.pdf

ETSI GR NIN 003 décrit le modèle de mise en réseau, base de cette nouvelle technologie. Il illustre comment la technologie Flexilink peut transporter plusieurs services, en utilisant comme exemples RINA, TCP/IP, l’audio et la vidéo numériques. Voir :

https://www.etsi.org/deliver/etsi_gr/NIN/001_099/003/01.01.01_60/gr_NIN003v010101p.pdf

L’explication plus complète du contexte est donnée :

Il était essentiel de trouver de nouveaux protocoles de mise en réseau mieux adaptés à l’ère de la 5G. Ces rapports préparent le terrain pour la normalisation d’une technologie qui répond aux exigences des systèmes critiques tels que le contrôle industriel, les véhicules intelligents, la sonorisation d’événements en direct et la médecine à distance”, explique John Grant, président de l’ISG NIN. [Industry Specification Group (ISG) Non-IP Networking (NIN)]

Ces rapports font référence à la technologie Flexilink décrite dans la spécification ETSI, ETSI GS NGP 013, publiée en septembre 2018. Cette technologie peut transporter plusieurs services, en utilisant comme exemples RINA, TCP/IP, l’audio et la vidéo numériques, y compris des exemples de formats de paquets et des exigences pour les protocoles établissant les tables de routage. Voir :

https://www.etsi.org/deliver/etsi_gs/NGP/001_099/013/01.01.01_60/gs_NGP013v010101p.pdf

Un article complet de Pierrick Arlot est paru sur le site de “l’embarqué” qui réunit des publications de haut niveau technique

http://www.lembarque.com/letsi-publie-ses-premiers-rapports-sur-les-protocoles-non-ip-pour-les-futurs-reseaux-5g-industriels_011046

C’est un encouragement pour “oser” dépasser l’Internet actuel et s’intéresser à RINA

Quand on connait l’importance de cette organisation pour la coordination des travaux internationaux sur les protocoles de communication il est réconfortant de recevoir son soutien: affirmer publiquement que certains domaines applicatifs exigents des performances qui dépassent les capacités de TCP/IP est un évènement dans le monde du numérique où les choix stratégiques sont difficiles, surtout quand un tente de comprendre où est notre souveraineté.

Affirmer cette réalité n’est pas faire injure aux travaux qui ont conduit à la publication de TCP/IP et aux développements complémentaires qui l’ont accompagné : simplement ces exigences n’ont pas été prises comme contraintes de conception quand ses fondamentaux ont été fixés au milieu des années 70 et les choix alors retenus ont, de fait, des possibilités d’extension fort limitées.

Un changement de “modèle” est indispensable désormais, cela devient évident pour tous ceux qui analysent les choses “froidement”, sans esprit de chapelle, ou parce que victimes de ce que La Boétie appelait “la servitude volontaire” dans son livre, en 1554.

On aura quelques regrets en observant que certaines évolutions aujourd’hui indispensables étaient dans le domaine du possible avec les choix d’architecture de l’équipe Cyclades dirigée par Louis Pouzin à l’IRIA (ancêtre de l’INRIA), notamment pour l’adressage, élément fondamental s’il en est.

On pourra lire avec intérêt ce document de janvier 1973 antérieur aux premiers articles sur Internet de Vint Cerf et Bob Kahn en mai 1974 et qui cite en 2ème référence l’article de Louis Pouzin de 1973. L’honneur est sauf puisque John Day dit y avoir retrouvé les fondamentaux, quelle plus belle reconnaissance que cette formule “RINA est construit sur les épaules de Cyclades”

https://dl.acm.org/doi/pdf/10.1145/800280.811034

Pour compléter la documentation et inviter à s’intéresser au projet RINA de John Day, supporté par Louis Pouzin, on pourra se reporter au volumineux rapport publié par l’ETSI sur RINA en février 2019. Il démontre que la réflexion sur les faiblesses de TCP/IP sont bien connues des experts et que les travaux pour des protocoles « non-IP » sont en cours.

https://www.etsi.org/deliver/etsi_gr/NGP/001_099/009/01.01.01_60/gr_NGP009v010101p.pdf

Tout ceci me conforte dans mes convictions et donne du poids aux propos que je tenais dans cet article de fin 2019. Il est rédigé pour une lecture par des non spécialistes des protocoles (ce que je suis) plutôt par des personnes impliquées par la dimension stratégique des piliers sur lesquels toute l’industrie du numérique est construite.

https://www.linkedin.com/pulse/rina-recursive-inter-network-architecture-pour-les-un-urban-galindo/

La deuxième partie développe les apports de l’architecture proposée par le projet RINA et son adéquation avec les exigences des domaines applicatifs qui ont déjà envahi nos vies (essentiellement sur smartphones) et ceux qui s’annoncent IOT, voitures autonomes, smart-cities, réseaux électriques distribués etc …

Est-on en train de tourner une page dans l’histoire de l’informatique en réseau ? Peut-être même un chapitre ? Pour ma part j’y “crois” !

Jean-Jacques Urban-Galindo