Facebook, malmené par la défiance croissante des institutions nationales et internationales, de certains de ses utilisateurs et de ses collaborateurs, nous propose une fuite en avant technologique avec Metavers. Cette proposition consiste à franchir une nouvelle étape dans l’éloignement du réel et vers le virtuel.

En France, nous connaissons bien cette fuite puisque c’est notamment avec le « 2ème monde » de Canal + et le « 5ème réseau » de la RATP que les premières expériences ont été menées dans les années 90, puis reprises aux USA avec SecondLive.

La puissance de calcul n’était pas au rendez-vous, mais les effets dérangeants étaient déjà perceptibles : les utilisateurs fonctionnaient sans filtre, pour le pire et le meilleur ! Nous avions constaté ce malaise 10 ans auparavant avec les tentatives de messageries lors de l’expérience de Vélizy qui a servi de premier laboratoire en matière de comportement humain face au numérique.

Dans les deux cas, nous avons observé la perte de repères comportementaux laissant la place à la démesure sociale et culturelle !

Avec Metavers, les porteurs du projet GAFAM entendent poursuivre leur maîtrise de l’humanité, ou du moins du plus grand nombre, appelée la « multitude », à travers la volonté d’agir sur la vision du monde de chacun de nous pour mieux standardiser nos désirs et ainsi rationaliser la satisfaction de nos besoins. Il s’agit d’une logique de marchand.

La Chine poursuit cette voie avec une logique impériale, mais avec un résultat semblable : l’instauration d’un peuple discipliné, facile à mobiliser.

L’Europe considère cela comme de la folie technologique et elle a bien raison : elle peut et elle doit prendre son indépendance vis-à-vis de cet usage guerrier de la chose numérique.

 

L’intelligence artificielle, abondamment utilisée dans ces programmes de domination de la multitude, repose sur des connaissances liées aux mécanismes de persuasion des individus et des foules. Pour cela, elle exploite une masse toujours plus massive de données supposées profiler chacun de nous.

Cette approche est potentiellement efficace, mais assurément très dangereuse pour l’humanité qui, comme l’ensemble du vivant, a besoin de diversité pour s’améliorer sans cesse.

Ainsi, après avoir saccagé notre biodiversité environnementale, voici que ces mêmes prédateurs s’en prennent à notre biodiversité culturelle.

Selon le sens de l’Histoire, avec le numérique, l’Homme poursuit son évolution : il entre dans l’ère effective de la collaboration. Il tisse des idées nouvelles à partir de celles qu’il échange avec ses congénères, au lieu d’en faire des bastions défendus âprement.

 

L’Europe ne peut pas et ne va pas se lancer dans son propre numérique 0.0 (GAFAM ; BATX). Elle doit rassembler ses expertises (des plus anciennes aux plus récentes) pour construire son numérique 1.0 dédié, non pas à une conquête belliqueuse de l’humanité, mais à la recherche d’une diversité créative et, de ce fait, attractive. Cela passe par une autre approche de l’IA (logique floue) et de gestion de la donnée (smart data).

 

Pour mémoire, nos processus de décision ne reposent pas sur des algorithmes moulinant des données capturées à un instant T, mais sur des données complexes, stockées dans notre génétique et notre épigénétique, enrichies avec celles captées en continu par nos cinq sens qui nous lient à notre réalité physique. C’est cela qui fait que nos décisions sont floues. Elles évoluent sans cesse au contact de notre environnement et des réactions de nos proches. C’est ce qui fait que nous sommes vivants et adaptables.

« Gérer, c’est prévoir ». Nous avons besoin de gérer et donc de prévoir. Mais nos vies ne se limitent pas à nos besoins primaires, bien au contraire elles commencent lorsque ceux-ci sont à peu près satisfaits. Nous pouvons alors nous « élever » culturellement et spirituellement. C’est l’étape que tente de franchir l’Humanité. Elle va le faire certes avec de l’IA modérée pour ce qui concerne la protection de l’environnement dans le cadre de la satisfaction de nos besoins primaires.

Pour tout le reste, elle va le faire avec de l’échange interpersonnel. Nous le savons que trop : plus de numérique nécessite plus de relations humaines. Qui apprécie aujourd’hui le commerçant ou l’administration qui vous renvoie sur son centre d’appels ou son site Internet ?

Le temps de l’octet omnipotent dans les relations « client / fournisseur – administré / administrateur » a vécu ! Reste à se pencher activement sur le modèle de société qui permet de redonner vie aux relations interpersonnelles.