Non, les opérateurs télécom 5G ne sont pas au-dessus des lois
Luc Baranger – mars 2021
Les intérêts des Opérateurs sont-ils supérieurs à ceux de la nation ? C’est ce que l’on peut se demander à la lecture de leur demande faite devant le Conseil Constitutionnel.
Celui-ci a été saisi le 19 novembre 2020 par le Conseil d’État d’une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de plusieurs articles du code des postes et communications électroniques, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-810 du 1er août 2019.
Finalement, la décision est intervenue : Le Conseil constitutionnel oblige les Opérateurs à demander une autorisation préalable à l’exploitation des équipements de réseaux 5G.
Regardons plus en détail cette action en justice, sur les aspects qui nous sont les plus importants.
Qu’elle est la demande ?
Selon les sociétés requérantes et intervenantes (Bouygues et SFR), ces dispositions méconnaîtraient la liberté d’entreprendre. Elles faisaient notamment valoir à cet égard que si ces dispositions s’appliquent théoriquement aux seuls équipements dédiés aux réseaux de cinquième génération (dite « 5G ») de communication mobile, elles obligeraient en pratique certains opérateurs souhaitant offrir des services relevant de cette nouvelle technologie, en cas de refus d’autorisation, à procéder au remplacement de tout ou partie de leurs équipements déjà installés au titre des réseaux des générations précédentes, en raison de contraintes techniques liées à l’absence d’interopérabilité des appareils. Ceci leur occasionnerait des charges excessives. De surcroît, ces dispositions auraient en réalité pour seul objet d’interdire aux opérateurs de se fournir en appareils 5G auprès de la société chinoise Huawei, ce qui les restreindrait dans le choix de leurs équipementiers et pénaliserait ceux d’entre eux ayant eu recours à cette société pour leurs équipements plus anciens.
Il était également reproché à ces dispositions de méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques, motif pris de ce qu’elles feraient supporter par les opérateurs de communications électroniques, contraints de remplacer leurs équipements à leurs frais, une charge disproportionnée, qui devrait incomber à l’État puisqu’elle résulterait de choix faits au nom de la sécurité nationale.
Une autre critique adressée à ces dispositions était qu’elles méconnaissaient la garantie des droits, en venant s’ajouter au régime d’autorisation prévu à l’article226-3 du code pénal et en remettant en cause les autorisations d’utilisation des fréquences délivrées par l’État aux opérateurs pour exploiter les réseaux des deuxième à quatrième générations de communication mobile.
Quels arguments ont été mis en avant pour décider ?
– Le Premier ministre refuse l’octroi de l’autorisation en cas de risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Pour l’appréciation de ce risque, il prend en considération le niveau de sécurité des appareils, leurs modalités de déploiement et d’exploitation envisagées par l’opérateur et, en vertu des dispositions contestées de cet article, le fait que l’opérateur ou l’un de ses prestataires, y compris par sous-traitance, est sous le contrôle ou soumis à des actes d’ingérence d’un État non membre de l’Union européenne.
– Les dispositions contestées, quant à elles, régissent les conditions d’exploitation de certains appareils, à raison des atteintes susceptibles d’être portées aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale. Elles s’appliquent aux seuls équipements permettant l’accès aux réseaux mobiles postérieurs à ceux de quatrième génération, afin de répondre aux enjeux de sécurité spécifiques à ces nouveaux réseaux.
– L’autorisation ne peut être refusée que si le Premier ministre estime qu’il existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale, dû à l’insuffisance des garanties du respect des règles relatives à la permanence, à l’intégrité, à la sécurité ou à la disponibilité du réseau ou relatives à la confidentialité des messages transmis et des informations liées aux communications.
Quelle est la conclusion ?
Il résulte de tout ce qui précède que l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre par les dispositions contestées n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.
Le Conseil constitutionnel décide : « Le premier alinéa du paragraphe I de l’article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-810 du 1er août 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles, et les mots « et le fait que l’opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, est sous le contrôle ou soumis à des actes d’ingérence d’un État non membre de l’Union européenne » figurant au second alinéa de l’article L. 34-12 du même code, dans la même rédaction, sont conformes à la Constitution. »
Sommes-nous complètement rassurés ?
Ces décisions s’appliquent aux seuls équipements permettant l’accès aux réseaux mobiles postérieurs à ceux de quatrième génération, afin de répondre aux enjeux de sécurité spécifiques à ces nouveaux réseaux. Cela signifie de manière corolaire que les équipements de génération 2 à 4 n’ont pas été soumis à ces dispositions. La confidentialité des communications radiotéléphoniques est donc bien illusoire.
Luc Baranger – mars 2021
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