Geneviève BOUCHÉ  –  Vice-Présidente Forum ATENA  –  janvier 2022

L’institut Rousseau publie un article intitulé « Indépendance numérique : que nous apprend la Chine… ? ». Il y rappelle que la Chine a, dès les années 80, pris ses dispositions pour ne pas subir les dépendances imposées par le numérique occidental.

C’est en particulier le potentiel d’influence du numérique américain qui a été le moteur de leur détermination. Elle est illustrée par la phrase attribuée à Deng Xiaoping : « Si vous ouvrez la fenêtre, l’air frais entrera mais aussi les mouches ».

L’Europe se pose actuellement la même question, mais sous forme de dilemme : être un acteur du numérique Occidental ou faire un numérique Européen.

Avantage au numérique occidental au regard du nombre d’internautes

La Chine vise directement quelques milliards d’internautes tandis que l’occident a une emprise directe sur un petit milliard.

L’emprise culturelle et décisionnelle qu’apporte la main mise sur l’espace numérique sur une population n’est plus à démontrer. Ce qui le devient, c’est ce que l’on en fait.

En ce début d’année, sous l’effet de la présidence Française du conseil de l’union européenne, la question est particulièrement ouverte.

Le clash qui a mis en défaut le projet Gaïax a permis d’éclairer la volonté des acteurs européens en dépit des actions persuasives des lobbyistes.

Le succès de Solainn de Pascal Gayat confirme, tout comme les propos du député Philippe Latombe, montre comment le tissu d’entrepreneurs liés au numérique se sent déterminé à favoriser un numérique européen adossé à un pilier français vivace.

Avantage au numérique européen en raison de la réalité anthropologique

La réticence des acteurs du numérique européens tient à ce qu’ils ressentent la même inquiétude que les chinois, mais ils sont partagés car il y a l’OTAN et l’équilibre mondial, certes très imparfait, qui nous a été finalement plutôt favorable. Alors, pourquoi ne pas étendre les capacités de l’OTAN à l’espace numérique ?

Cette hypothèse semble anachronique : la « guerre froide » devient un sujet d’archives tandis que les tensions commerciales et diplomatiques évoluent vers d’autres horizons avec d’autres problématiques.

Le communisme n’a pas tenu ses promesses, mais le libéralisme devient une voie sans issue.

Le numérique, est une affaire de données et les données sont une affaire de confiance. Le numérique est au cœur des nouvelles gouvernances qui ne sont plus basées sur l’autorité mais sur la gestion concertée et optimisée des risques et des opportunités, ce qui nécessite plus que jamais la valorisation des savoirs, des talents.

Cette nouvelle forme de gouvernance, pour être efficace, doit être proche des hommes et de leur environnement. Elle doit être locale et capable de s’agréger de proche en proche à des niveaux supérieurs.

Ainsi, cette gouvernance doit adhérer aux spécificités culturelles et géographiques. Comme l’a mis en évidence Gaspard Koenig (« la fin de l’individu »), les valeurs des Américains, des Européens, des chinois ne sont pas les mêmes et cette diversité est bonne pour l’évolution de l’humanité.

C’est pourquoi l’Europe doit donc faire son propre numérique. Elle doit s’y atteler au plus vite afin de ne pas avoir à subir le vieillissement des GAFAM et l’exacerbation de leurs erreurs conceptuelles et idéologiques. L’Europe possède les souches culturelles pour le faire et il lui est possible de rappeler à elle les talents et les savoirs encore au service de ce numérique hégémoniste.

L’élan impulsé par la COVID19 au sein de l’UE part dans cette direction. Les citoyens impliqués dans ces questions sont heureux de le soutenir.