Le nommage – des mots, des maux

 La nouvelle politique de nommage introduite par l’ICANN sous le vocable de “nouvelles extensions” change profondément les règles du marché. Il n’est plus obligatoire de se cantonner aux gTLD prédéfinis (com, net, org, etc), n’importe quelle suite de caractères dans n’importe quelle langue peut convenir, avec toutefois des restrictions, qui deviendront des casse-têtes.
Les coûts d’obtention en US$ sont à 6 chiffres, ce qui réserve ces nouveaux TLD aux riches, seuls à pouvoir afficher leurs noms dans les pages dorées de l’annuaire. Les gestionnaires de marques voient d’un très mauvais œil cette ségrégation qui aura pour effet de marginaliser les moins riches. Ils prévoient par ailleurs une envolée de conflits entre prétendants aux mêmes noms, et fausses appellations tirant parti des similitudes visuelles entre caractères de langues différentes. L’écosystème des noms de domaine est dans la brume.
Pour l’ICANN le résultat net est une nouvelle source de revenus, mais il n’est pas encore apparent que l’opération soit profitable aux utilisateurs. Il est alors assez prévisible que des recalés au concours de TLD, mettront en service leurs propres annuaires. Il en existe d’ailleurs depuis au moins 1996. La Chine a les siens depuis 2005.
Ce changement de la structure de nommage conduit logiquement à une évolution de l’infrastructure de l’annuaire pour tenir compte de la diversité linguistique des utilisateurs, et de leurs besoins régionaux ou particuliers. Visiblement ce n’est pas le souci de l’ICANN, qui préfère maintenir un système obsolète protégeant son monopole. Un nouveau chantier devrait donc s’ouvrir pour redéfinir l’architecture du nommage dans un nouveau cadre.
L’interopérabilité d’annuaires multiples est naturellement une nécessité, qui n’est pas techniquement difficile à réaliser. Les véritables enjeux sont de nature politique. Les Ëtats Unis n’ont pas l’intention de renoncer à leur contrôle de l’internet. La sécurité étant souvent absente des protocoles de base, l’approche actuelle consiste à l’introduire dans un créneau lorsque l’occasion se présente, p.ex. paquet IP (IPsec), annuaire (DNSsec), routage (RPKI), identités (certificats), etc. La manœuvre vise à garder le contrôle étasunien par les institutions, les standards et l’infrastructure, dans l’optique de pouvoir contrôler les contenus (SOPA, PIPA, ACTA).
Y aura-t-il d’autres forces politiques pour sortir de ce jeu unilatéral et conflictuel au plan mondial ?
La 1ère table ronde ciblera les nouvelles modalités de fonctionnement du marché des TLD.
La 2ème table ronde explorera les voies d’évolution des fonctions d’annuaire, et plus largement l’affirmation des spécificités régionales relatives à l’internet.
Louis Pouzin
Eurolinc