« Nous sommes passés d’une époque d’évangélisation et d’incantation du très haut débit et du FTTH à une époque plus opérationnelle avec l’arrivée des abonnés et de nouveaux acteurs industriels et financiers. C’est un signe de succès. » Cependant, quelles seront les conséquences concrètes de ce succès ? Outre des usages nouveaux, nous allons être de plus en plus concernés par l’arrivée des « objets connectés ».
Dans le cadre des 10èmes Assises du Très Haut Débit, Richard TOPER, Président-Directeur Général de Setics, a tenu la table ronde « FTTH, IoT et Smart Cities : quelles infrastructures pour quels services ? ». Cette rencontre a constitué une occasion pour évoquer les enjeux conjoints du FTTH et de l’IoT, au sein des villes comme des territoires.
D’après différentes études, les objets connectés sont appelés à être utilisés de manière exponentielle, jusqu’à atteindre 150 milliards d’unités matérielles en 2025. En outre, ces objets doubleront toutes les 12 heures le nombre données qu’ils produisent. Une telle évolution induit des transformations économiques et sociales majeures, difficiles à anticiper. L’influence de ces objets sur les services urbains et le fonctionnement des villes sera particulièrement sensible, vers des Smart Cities – ou villes « intelligentes » – dont le marché atteindrait 1 400 milliards de dollars en 2020.
Cette newsletter automnale présente une synthèse de cette table ronde, afin de commencer la rentrée sur les enjeux techniques des usages de demain, entre nouveautés technologiques, modèles de marché et règlementation institutionnelle.
La table ronde réunissait quatre spécialistes, travaillant sur des thématiques en lien avec ce sujet :
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Aurélien BERGONZO, directeur du marketing stratégique, division Telecom Data et Infrastructures, Acome, spécialiste des domaines de l'optique, de l'électronique, des composants et des systèmes pour les marchés et applications de hautes technologies.
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Xavier VIGNON, président de SOGETREL, spécialisé dans l’intégration de réseaux et de systèmes de communication pour l’irrigation numérique des territoires
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Benoît BOURREL, directeur technique chez M2ocity, le premier opérateur de télérelevé en France, filiale d’Orange et de Veolia EAU
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George KARAM, fondateur, Président-Directeur Général et Président du Conseil d’Administration de Sequans Communications, société spécialisée dans la fabrication de composants électroniques.
Aurélien BERGONZO a profité de cet espace d’échange pour souligner l’importance de la distinction entre deux catégories d’objets connectés :
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Les objets connectés à faible débit (quelques centaines de bits/s), tels que des montres ou des lunettes connectées.
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Les objets connectés à très haut débit, consommant 100 à 1000 fois plus qu’un smartphone actuel, tels qu’un véhicule connecté ou bien un drone.
Selon les modes de développement des réseaux, il est probable de voir se développer au cours des années à venir une fracture numérique basée sur les besoins respectifs de ces deux catégories d’objets.
Selon George KARAM, les réseaux supports nécessaires au fonctionnement des objets connectés seront des réseaux 4G-5G, utilisant le nouveau standard LTE : le NB-IoT. « Il reste une inconnue : les offres des opérateurs. La bouteille d’eau connectée, une paire de chaussures connectées, le thermostat connecté, seront-ils des services gratuits ou va-t-on vers une offre groupée ? »
Pour sa part, Benoît BOURREL a rappelé que l’utilité d’un réseau dépend du nombre de points finaux qu’il dessert. « Avec 2 millions d’objets connectés, une couverture radio a la capacité d’atteindre un nombre de points de service très élevé par rapport à une structure filaire. » Dès lors, l’installation d’antennes peut être pensée comme une solution pour couvrir rapidement un vaste territoire, notamment rural. Les gains obtenus seront particulièrement importants : suppression d’opérations coûteuses de maintenance au sein des bâtiments ; optimisation de la gestion des réseaux (détection des fuites, amélioration des coûts d’exploitation, gestion « intelligente »…) ; places de parking « intelligentes » capables de faire remonter les informations (vidéoprotection…)…
Xavier VIGNON a préféré, pour sa part, aborder le sujet de la règlementation, soulignant que « trop de règlementation tue l’innovation ». Ainsi, « Le système aujourd'hui tend à appauvrir toute notre économie. Si l’on fait les choses pauvrement, alors nous aurons des choses pauvres et des gens pauvres. Depuis des années, les réglementations ne visent qu’une seule chose : faire baisser les prix. Le jour où les prix seront à zéro, tout le monde sera content : les salariés des entreprises seront tous des chômeurs (…) ». Enfin, Xavier VIGNON a critiqué la notion de « Ville Intelligente » : l’idée essentielle de ce concept n’est pas l’intelligence, mais le fait d’avoir « une ville belle et agréable à vivre ». « Face aux problèmes d’urbanisation qui sont colossaux, la vraie question est là. Comment ne pas dégrader les conditions de vie et faire de la productivité pour que la ville puisse se développer à moindre frais ? »
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Au vu des échanges de cette table ronde, les enjeux essentiels en lien avec l’IoT actuellement identifiés sont donc principalement techniques (type d’objets, types de réseaux), économiques (modèle marchand) et juridiques (gestion de la règlementation). Différentes pistes ont été présentées pour faire face à ces enjeux de demain, montrant qu’à défaut de changements immédiats les idées sont présentes et continuent de faire leur chemin.
Cependant, de nombreuses questions doivent encore faire l’objet de réflexion, notamment en matière d’évolution politique et sociale : la pénétration de l’Internet des Objets Connectés relèvera-t-elle d’une évidence pour les citoyens ou bien faudra-t-il organiser collectivement son intégration dans les pratiques d’un territoire ?
Richard Toper, Président de l’Atelier Très Haut Débit
– PDG Setics (toper@setics.com)