Bernard Biedermann  –  juin 2023

« Quelques citations significatives de « acteurs publics »

À propos de l’Inspection générale des finances, Catherine Sueur, cheffe du service de l’inspection des Finances affirme que « le numérique et les ressources humaines constituent des priorités absolues pour l’IGF. Je suis passée par le secteur privé et j’ai été étonnée par un certain décrochage de l’administration sur le numérique, à la fois dans la prise de conscience de l’enjeu et le retard dans les chantiers ».
À la question la décentralisation ne fonctionne pas ou ne fonctionne plus, Renaud Muselier regrette que « la loi 3DS (Décentralisation, Différenciation, Déconcentration et Simplification) de février 2022 (…) ne constitue qu’une régularisation des problèmes administratifs. C’est très bien, mais ce n’est pas à la hauteur des enjeux ».
Dans l’article L’Onboarding (nde : pratiques liées à l’accueil et à l’intégration d’un nouveau salarié) doit être l’affaire de tous, Marie Malaterre suggère qu’il y a nécessité à travailler l’onboarding, « et de faire en sorte, dans le même temps, d’améliorer l’attractivité de la fonction publique ». Face aux difficultés de recrutement, « c’est aujourd’hui aux employeurs de faire une bonne impression aux recrues, voire de les séduire ». À Bercy, « si l’organisation fournit les éléments nécessaires à l’onboarding transversal et générique, il appartient à chaque manager d’assurer l’accueil individualisé de chaque collaborateur ». Thibaut de Vanssay ajoute que « nous avons une difficulté toute particulière sur les jeunes de la « tech », qui recherchent beaucoup de flexibilité, tant dans les modes d’organisation que dans les modes de travail, avec le télétravail notamment ». Il convient alors de bien comprendre les effets de la complexité des organisations. « Trop fréquemment, les nouvelles recrues éprouvent des difficultés à repérer clairement leur référent hiérarchique en méconnaissant parfois jusqu’à l’organigramme général du fait d’un accès à l’information institutionnelle rendu difficile. Cela annonce la couleur ! » (Lucila Modebelu).
Concernant le ministère de la Justice, Emile Marzolf regrette qu’ « il y a un an, la Cour des comptes pointait l’absence de stratégie, le défaut de gouvernance et les résultats « difficiles à quantifier » du ministère en matière de transformation numérique ». Un nouveau plan avait pour objectif de faire émerger un ministère « zéro papier ». Mais, ce « plan remet en cause la logique très locale du déploiement des infrastructures et équipements informatiques de la justice, qui bride toute vision et pilotage d’ensemble et empêche l’adoption de technologies modernes comme le cloud, sur lequel mise beaucoup le ministère… Il est question d’intégrer nativement le numérique lors de la rédaction des textes réglementaires et réformes du code des procédures civiles ou pénales. » Au colloque Transformation numérique, on a affirmé que l’action publique ne peut se passer du cloud. Il y aura alors un travail d’acculturation avec la résolution des problèmes liés au fait que la solution cloud ne sera pas forcément française à 100%.

Alors que faut-il faire ?

Implicitement, ces quelques extraits constituent un témoignage selon lequel beaucoup de services de l’administration française ne fonctionnent pas correctement.
Compte tenu du poids de l’administration dans l’économie, de la difficulté à réduire les déficits, du décalage entre le privé et le public, et de la nécessité d’améliorer les prestations dans la santé, la justice, l’éducation, l’intérieur, il conviendrait d’envisager des réformes profondes. Se pose alors la question du niveau d’intensité des changements, des réformes à réaliser. Faut-il de l’homéopathie ou de la chirurgie ?
Évidemment, cette recommandation de réformes profondes est facile à suggérer, mais il faudra du temps, de l’intelligence, de la pédagogie, de l’imagination, du sens des réalités, une culture de management adaptée, pour ne pas tomber dans un scénario comme celui de la réforme des retraites ou celui qu’avait connu France Télécom.
La suggestion de faire des réformes profondes à partir d’un développement complet du numérique présenterait bien des avantages. Le développement du numérique se justifie par le gros retard de l’administration française dans ce domaine. Ce retard est d’autant plus grave que le poids de l’État dans le PIB est l’un des plus importants.
Selon la Cour des comptes, qui fait le point régulièrement sur la modernisation numérique de l’État, « si l’offre de services numériques aux particuliers est correcte, l’usage qu’en font leurs destinataires potentiels est limité, la France se caractérisant par un taux de recours peu élevé au regard de l’ancienneté des services proposés et des fonctionnalités qui les accompagnent ».
Le Digital Economy and Society Index indique que :
– La France se situe, en fait, au 6e rang en termes d’usages.
  – La France se situe ainsi au 13e rang en Europe pour l’étendue des services en ligne.
  – La France se situe 22e rang pour le « niveau de sophistication des services d’e-administration » mesuré par l’indicateur des formulaires pré-remplis.

Avantages et atouts du numérique

Un des intérêts de la numérisation globale consiste dans le fait qu’avant d’installer les nouvelles applications d’informatique et de télécommunication, les responsables de projets doivent produire une analyse de ce qui doit être numérisé et c’est alors l’occasion de changer et de simplifier les procédures, les protocoles, les processus de décisions, les contenus et la forme des prestations et bien entendu les organigrammes qui contiennent trop de couches et de silos. Rappelons que dans certains pays, la santé est à zéro papier et que les délais concernant les modifications de carte d’identité se comptent en minutes alors qu’en France on compte en semaines !
À cela s’ajoute les nouvelles contraintes concernant l’environnement, et surtout une importante augmentation de la productivité qui doit conduire à des baisses des effectifs dans la fonction publique que l’on peut estimer à 15 voire 20 %, avec impact sur les dépenses publiques. De tels projets ont pu être constatés dans le privé (banques) grâce à la robotique, dans des services administratifs avec des baisses de coûts très importantes.
Par ailleurs l’importance de ces projets aura un impact favorable sur plusieurs secteurs du privé (informatique, nouvelle industrie, formation professionnelle, cybersécurité, etc.) et contribuera à augmenter l’attractivité économique de notre pays.
Bien entendu, dans cet article il ne s’agit pas de dire ce qui doit être fait, où et comment, mais il faut néanmoins s’attendre à des durées de projets très longue, de l’ordre de la décennie, et partir du principe que de telles réformes doivent impérativement s’appuyer sur une nouvelle culture de management pas forcément facile à appliquer, d’autant plus qu’en France, on n’aime pas les réformes, on ne sait pas les gérer et elles font peur !

Bernard Biedermann http://www.Theoreco.com