Bernard Biedermann  –  février 2025

Depuis les années 50, lentement, progressivement, par étapes, les pays européens mettent en place des politiques économiques dont les principaux objectifs ont été, l’équilibre entre l’offre et la demande sur tous les marchés, une croissance durable non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, le relèvement de la qualité de vie, et depuis quelques décennies, la protection de l’environnement. Les fondements de ces politiques économiques étaient conformes aux recommandations du libéralisme économique (respect de la libre concurrence) ou à l’interventionnisme keynésien (politique budgétaire et politique monétaire). Qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles, de court terme, de moyen terme ou de long terme, en période stable ou à cause d’une crise, les politiques économiques disposent d’un grand nombre d’outils dont l’utilisation s’avère efficace ou pas, notamment parce que les choix ont été conçus sur la base de prévisions qui bien évidemment intègrent des marges d’erreurs dues, par exemple, aux anticipations des entreprises. La mondialisation a progressivement augmenté le poids du commerce extérieur dans les résultats des PIB. Plus ou moins encadrés, les marchés internationaux (exportations, importations, taux de change, délocalisations, diffusions des progrès techniques, marchés du travail, …) ont plutôt bien fonctionné. En 2025, on peut s’attendre à de nouvelles évolutions concernant le fonctionnement des marchés internationaux. Les réformes proposées par Donald Trump et quelques actions politiques des dernières années vont dans ce sens. Toute la question est de savoir si ce que l’on constate de plus en plus est une nouvelle tendance de long terme ou, n’est que transitoire.

Des négociations parallèles

Dans les politiques économiques actuelles du commerce extérieur, beaucoup de décisions, ayant pour objectif l’équilibre de la balance commercial et celle des paiements, intègrent des actions visant à manipuler, modifier, restructurer les fonctionnements de base des marchés des biens et services. En toute simplicité, il s’agit d’augmenter les exportations et de réduire les importations tout en assurant de bons résultats financiers pour les entreprises concernées. Ces nouvelles formes de décisions politiques s’appuient sur des caractéristiques basiques des marchés des produits et services contemporains. Il y a par exemple les contraintes liées à la dépendance dans la fabrication de produits nécessitant des consommations intermédiaires importées : métaux rares, composants et circuits électroniques avec leurs logiciels, produits agricoles, produits chimiques, etc. Face à Trump, la Chine muscle ses restrictions d’exportations de métaux critiques, tungstène, molybdène, indium, … (l’Usine nouvelle). Il y a aussi le niveau de l’élasticité de la demande par rapport au prix (plutôt basse) comme dans les transports internationaux, les biens de consommation orientés loisirs et luxes, l’énergie et certains nouveaux produits innovants, qui permet d’imposer des droits de douane élevés.

Par ailleurs, les négociations intègrent de plus en plus, des normes de conception, de fabrication, d’ordre social, de sécurité, de distribution et de protection de l’environnement. On le constate souvent, une négociation ne se limite pas aux conditions du produit ou service dont le pays souhaite améliorer la balance mais concerne plusieurs produits de secteurs différents ou d’autres aspects juridiques ou économiques comme celui des délocalisations. Il y a aussi des cas de figure de remise en cause globale ; par exemple, pour des raisons fiscales, une entreprise chinoise doit augmenter les prix de ses produits exportés vers l’Europe, la société importatrice l’informe qu’elle envisage une relocalisation ce qui fait réagir la société chinoise en envisageant de vendre ses produits à un concurrent de la société importatrice à une autre société localisé en Europe dans un pays offrant de meilleures conditions fiscales. Toutes ces nouvelles formes de négociations s’activent en négociations parallèles. 

Les décisions concernant le commerce international, comme les droits de douane, sont souvent annoncées par surprise afin d’assurer l’efficacité de leur réalisation en termes de business. Se pose alors la question du marché de l’emploi surtout si les impacts concernent le long terme et des professions complètement différentes. Des modifications importantes se traduisent par des difficultés croissantes dans les processus de décisions sur le long terme, comme par exemple les décisions d’investissements ou de lancements de nouveaux produits notamment dans l’industrie automobile. Ces décisions sont alors responsables de l’incertitude croissante. 

La mondialisation a été une réussite, bien que des différences de salaires si élevés par exemple entre la Chine et l’Europe ne correspondaient pas aux recommandations libérales des années du début de la mondialisation qui suggéraient des marchés communs entre des économies ayant des niveaux de PIB par habitant sans trop de différences.

 « Toutes choses égales par ailleurs », c’est maintenant dépassé

De manière globale on constate que, de plus en plus, le fonctionnement des marchés internationaux s’exerce d’abord dans la tête des décideurs qui déterminent avec conviction les niveaux des quantités offertes, demandés et leurs prix, (sur ce sujet, voir l’article : Pour une mise à jour du libéralisme économique (1)). On peut alors se poser la question de la justification de l’hypothèse « toutes choses égales par ailleurs » accolée aux modèles économétriques. Au niveau politique, le profil du ministre des affaires étrangères devrait désormais intégrer des nouvelles qualités de négociation de haut niveau surtout quand la part du commerce extérieur est importante par rapport au PIB comme en France à plus de 30 %. Il convient de plus en plus, de savoir anticiper les effets positif et négatifs des chocs externes y compris sur la consommation, l’investissement et les aspects monétaires et tout cela dans un contexte ou des pays avertissent qu’ils peuvent sortir des institutions internationales qui régissent les échanges. Il y a également des paradoxes comme par exemple le protectionnisme avec en même temps des objectifs de relance de la croissance, car la baisse des importations peut gêner la production des entreprises. 

Compte tenu des contraintes de dépendance, de logistiques, de complexité et d’innovation, les recommandations ricardiennes qui démontraient les avantages des exportations du porto vers l’Angleterre et des tissus anglais vers le Portugal sont un peu dépassées. Dans ce nouveau contexte, de plus en plus d’économistes suggèrent une nouvelle Europe plus forte, plus unie et plus cohérente, pour faire face à la nouvelle politique de Trump comme par exemple avec l’AI Act. « have a dream » !

1 : https://theoreco.com/entreprise-microeconomie-marketing/pour-une-mise-a-jour-du-liberalisme-economique-1201.html

 Bernard Biedermann