Les monnaies fléchées : une option pour l’euro numérique, notre future Monnaie Numérique de Banque Centrale ?

Par Geneviève BOUCHÉ, Vice-Présidente Forum ATENA  –  juin 2022

Le chèque énergie, le pass culturel pour les jeunes, les tickets restaurants et bien avant eux, les sinistres tickets de rationnement … Tous entrent dans la catégorie des “monnaies fléchées”.

Nous ne savons plus nous en passer et pourtant, elles sont pour le moment financées par de la dette publique.

Pour les faire fonctionner, il est nécessaire de prendre en compte des données personnelles et comportementales. Ces monnaies ne peuvent donc être gérées que par des organismes soumis à la démocratie.

A l’heure où les banques centrales réfléchissent à leur MNBC (monnaies numériques de banque centrale), les pistes ouvertes par les monnaies fléchées sont à regarder de près.

Pourquoi nous les mettons en place

Les populations sinistrées par les drames économiques, sociaux, géopolitiques ou environnementaux les réclament, les autres les dénoncent car effectivement pour les gérer, il faut mettre en place des bases de données et ces bases de données deviennent potentiellement des outils répressifs.

Le système monétaire actuel n’a pas été conçu pour encourager l’économie contributive, c’est à dire celle dédiée au bien commun. Pourtant, nous voyons bien que notre compétitivité repose de plus en plus sur un bien commun de qualité.

Ceci nous remet face au débat de nos aînés gréco-romains « Mens sana in corpore sano » (un esprit sain dans un corps sain). Le système actuel s’occupe essentiellement de flatter nos désirs corporels. Il ne sait pas s’occuper du bien commun.

Un système parallèle et néanmoins complémentaire à l’économie productive se met en place tout doucement avec les monnaies fléchées.

Pour le moment, ces monnaies fléchées sont financées par les « dividendes monétaire », c’est-à-dire l’endettement qui est injecté chaque année pour maintenir « quoi qu’il en coûte » un taux de croissance « présentable » du PIB.

Cette manière de faire n’est plus possible car ces endettements créent de l’injustice nationale et internationale.

Il devient donc nécessaire de donner une existence officielle et cohérente à ce type de monnaie. Ceci est d’autant plus nécessaire que ces monnaies agissent sur la prospérité locale et doivent donc être déconnectées des activités internationales.

Les monnaies numériques transnationales ne sont pas conçues pour répondre à ces besoins. Nous devons donc les concevoir nous même et de manière démocratique, puis les mettre en place sans attendre que notre civilisation s’effondre parce que nous n’aurons pas su ou voulu développer le bien commun du 21ème siècle sur nos terres.

Comment les gérer

Ces monnaies commencent à être gérées de manière de plus en plus ciblées. Elles deviennent numériques et sont capables de s’arrimer à l’e€ (euro numérique) en préparation au niveau de la zone Euro.

En effet, nos tickets de caisse et les terminaux de paiement savent déjà gérer les taxes et les supports de paiements variés. L’infrastructure est donc bien avancée.

Les terminaux de paiement sont donc potentiellement capables d’organiser un règlement intelligent de ticket de caisse (priorité à la monnaie productive, puis aux monnaies fléchées en fonction du payeur : son profil et ses achats).

Tous les citoyens peuvent effectuer des tâches contributives. Tous peuvent donc recevoir des monnaies contributives. La somme reçue tient compte des temps de la vie de chacun et de ses engagements dans l’économie contributive.

Pour amplifier l’adhésion aux tâches contributives, ces monnaies sont fondantes, c’est-à-dire qu’elles sont distribuées sans jugement quant à la qualité du travail effectuée. À la fin du mois, les excédents dont chacun dispose peuvent être offerts par les citoyens à ceux qu’ils souhaitent récompenser ou encourager dans leurs tâches contributives. La monnaie non redistribuée est détruite.

But : renforcer la raison d’être de l’e€

Les transactions financières (des plus petites aux plus grandes) se font de plus en plus sous forme numérique. La crise de la covid a définitivement installé le paiement sans contact pour les petits montants.

Les banques centrales savent que le mécanisme monétaire du siècle dernier ne fonctionne plus : il a fait merveille à l’heure des « 30 glorieuses », c’est-à-dire du temps de l’économie de la demande. Depuis nous sommes passés à l’économie de l’offre qui pousse à la réduction des prix et à présent, nous abordons l’économie de la rationalisation qui fait baisser les prix et les volumes.

Le ruissellement économique a vécu. Le mécanisme de monnaie primaire émise par les banques centrales auprès des banques de détail ne fonctionne plus correctement. L’idée de la monnaie hélicoptère (monnaie de banque centrale adressée directement aux citoyens) redevient une hypothèse de travail. Les banques centrales y sont poussées par les menaces des bitcoins et de monnaies transnationales, dont celle en expérimentation avancée en Chine.

L’idée de s’appuyer sur le besoin de monnaies fléchées pour en organiser la distribution devient une hypothèse de travail à part entière.

Ainsi, notre e€ ne sera pas mis en concurrence avec des monnaies transnationales ou invasives.