Geneviève BOUCHÉ – Vice Présidente Forum ATENA  –  mardi 12 avril 2022

Les Français se posent des questions sur « leur fin du mois » face à la « fin d’un monde ». S’occuper de « la fin du mois » nécessite de s’intéresser à « la fin d’un monde ».

La mondialisation façon 20ème siècle, qui a fait la joie de Pascal Lamy – ancien dirigeant français de l’OMC, ignorait la réalité de la vie : les Hommes vivent localement mais ils ont un besoin vital d’échanges et de diversité. L’OMC a sacrifié la diversité au profit de l’échange. 

Par ailleurs, avec le numérique, nous pouvons construire un modèle de société plus respectueux des Hommes et de l’environnement. Mais pour le moment, il a plutôt été un amplificateur des erreurs humaines.

Enfin, les générations montantes sont la 5ème générations depuis les dernières guerres mondiales.

La Première Guerre mondiale a eu pour origine sous-jacente l’effondrement du système monarchique européen et la recherche d’une forme de démocratie moderne. Cette guerre a ouvert des perspectives technologiques.

La Seconde Guerre mondiale a eu pour sous-jacent l’exubérance technologique et a ouvert la voie au rôle du numérique et de l’influence massive. Cependant, le contrôle des blocs géopolitiques s’est faits à travers la finance.

« Cette guerre » a pour sous-jacent le retour de manivelle de la mondialisation façon 20ème siècle et le numérique y joue une part décisive car il devient un autre moyen de contrôler les Hommes et les blocs géopolitiques.

Cette mondialisation nous a poussés à surproduire et à surconsommer. A présent, elle touche ses limites. Elle se délite car elle ne sait pas et ne peut pas remettre en cause son modèle. 

Or, le sens de l’Histoire, celle qui relève de la volonté subconsciente des Hommes, fait que nous commençons à produire et consommer de manière plus rationnelle et donc moins, mais mieux. Le numérique rend cela possible. Certains coûts de production baissent et dans le même temps, d’autres montent. C’est le cas des denrées alimentaires et des énergies dont les prix flambent.

Par ailleurs, les blocs géopolitiques poursuivent, chacun de leur côté, leur propre évolution. Ils cherchent à réduire leurs interdépendances. Ceci conduit à l’industrialisation numérisée et robotisée, et donc à faire disparaître les tâches allouées aux classes moyennes. 

Une petite part s’en sort en élevant ses conditions, mais la majorité se voit progressivement déclassée, comme cela se voit aux USA puis à présent en Europe.

Tout ceci, conjugué aux évolutions climatiques, crée des mouvements de population planétaires qui donnent lieu à des images qui terrifient nos concitoyens, même si elles sont prises assez loin de nos paillassons. Personne ne souhaite figurer un jour sur de telles photos.

Les soucis de « fin de mois » sont donc à prendre au sérieux, mais ils ne peuvent être pris en compte sans une vision sur la « fin de ce modèle de société ». Le prochain président de la République française doit être capable de suivre la consigne de Churchill :

« Plus l’actualité va vite, plus il faut regarder loin pour prendre une décision ».

Pour cela, il doit comprendre en profondeur comment le numérique devient la force du 21ème siècle : la résistance des Ukrainiens repose certes sur une bravoure exceptionnelle, mais aussi sur les aides numériques apportées en sous-main par les USA. Réciproquement, les désordres politiques portés par la Russie sur l’espace occidental proviennent de sa maîtrise des outils d’influence massive et sa capacité à canaliser ses citoyens en les isolant numériquement.

On nous parle beaucoup des sanctions financières pour désarmer la Russie, il y a aussi les sanctions numériques comme le montre cette infographie publiée dans l’Express le 24/03/22 :

 

Les guerres sont des crises qui nous obligent à passer d’un modèle de société à un autre. La prochaine invention serait idéalement celle qui permettrait de le faire sans sauvagerie. C’était l’idée des Américains lorsqu’ils ont lancé les guerres économiques du 20ème siècle : conquérir le monde par la finance, sans verser une goûte de sang… C’est raté !