Geneviève BOUCHÉ  –  Vice présidente Forum ATENA  –  novembre 2024

Chaque époque reconnaît ses héros, ceux par qui le progrès avance. L’époque que nous terminons a salué ses ingénieurs et tous les contributeurs du monde industriel.

Nous allons prolonger leurs avancées, mais nous devons aussi encourager de nouveaux créateurs de valeur : ceux qui font progresser le vivre ensemble et qui permettent de nous doter de belles personnes au plus haut de leur potentiel.

Un somptueux défi pour nous, les Européens, qui luttons pour nous mettre à l’abri des dictateurs…

L’économie productive, notre fierté !

Avec son très intéressant site Homo Indutrialis, l’historien de l’industrie Jacques Léger, nous donne son point de vue sur l’évolution de l’économie à travers des résumés de livres, de publications et de discours plus ou moins liés au MEDEF.

Il résume sa vision de l’économie dans sa « pyramide de l’économie » (à gauche dans le schéma).

Il commente les étages de sa pyramide et conclu que les industriels ont toujours trouvé la manière de tirer parti du progrès. Mais, il signale que cette fois-ci, l’adaptation ne va pas être simple.

L’économie contributive, nous allons en être fiers !

Sa vision, exclusivement centrée sur l’industrie, permet de comprendre le schisme entre le monde qui vient et l’actuel. Néanmoins, celui-ci doit tenir tant que le nouveau n’aura pas trouvé son régime de croisière.

L’économie, c’est la manière de répartir la création de valeur au sein de la communauté.

  • Durant la sédentarisation, la valeur créée portait sur des biens et des services dédiés aux besoins primaires des individus (économie productive).
  • L’époque que nous abordons est caractérisée par le fait que les citoyens deviennent de plus en plus exigeants en matière de qualité du vivre ensemble (économie contributive).

Pour demeurer créatifs et réactifs, les industriels ont de moins en moins besoin de main d’œuvre abondante et de plus en plus besoin de cerveau d’œuvre de haut niveau : des managers, des experts et des créatifs. Or, pour qu’ils en disposent, il faut développer un vivre ensemble de haute qualité.

C’est ainsi que nous assistons à l’émergence de l’économie contributive. Celle-ci ne remplace pas l’économie productive. Ces deux économies sont à mettre en synergie car l’une ne va pas sans l’autre.

Néanmoins ces deux économies ne se gèrent pas de la même manière, car leurs créations de valeur respective ont un comportement opposé.

Il semble peu probable que ce soit les industriels qui vont être aux manettes pour donner sa juste place à l’économie contributive. Mais ils ne doivent pas entraver l’avènement de cette économie qui repose sur une pyramide basée sur celle de Maslow (à droite dans le schéma).

Un défi qu’aucun dictateur ne peut relever !

C’est Gaïa et non l’Homme qui oriente l’évolution du vivant : celle-ci va de la matière vers le spirituel.

Dans l’étape que nous abordons, l’Homme délègue progressivement les tâches productives aux machines et à la biochimie afin de se consacrer à des tâches plus nobles et plus spirituelles.

Concrètement, l’Europe entre dans une phase de rationalisation de sa manière de produire et de consommer. Ceci détraque les économies dites « développée » qui sont basées sur le « toujours plus ». En effet, la rationalisation instaure des prix moindres et moins de volumes… Donc moins d’impôts et de taxes. L’Etat devient moins efficient et les entreprises fournissent moins d’emplois aux populations.

Le numérique a pour vocation de permettre à l’Homme de prendre en compte la complexité du vivant pour vivre en harmonie avec lui. Nous ne pouvons plus faire sans lui.

Se prémunir contre le numérique destructeur

Mais, comme souvent, les innovations commencent à trouver une application guerrière avant de trouver leur réelle place fonctionnelle.

C’est le cas du numérique qui est utilisé actuellement comme une arme d’influence massive. Il a remporté la première manche dans cette période de mutations sociétales profondes où les institutions sont ébranlées dans leurs soubassements.

La classe moyenne se sent menacée. Elle devient réceptive aux messages embrigadants des trolls, gérées très efficacement depuis les pays liés aux BRICS ou à des intérêts privés devenus surpuissants.  

Cette efficacité est aggravée par la logique des réseaux sociaux qui favorisent les messages outranciers au motif qu’ils excitent les internautes qui, de ce fait restent plus longtemps connectés. Or, un réseau social gagne sa vie en exposant sans cesse ses internautes à la publicité …

C’est ainsi que, le 24/11/24, Calin Georgescu arrive en tête des élections présidentielles en Roumanie avec près de 23 % des suffrages alors que les sondages lui donnaient 8 % et que l’essentiel de sa campagne a été mené sur Tiktok à moindres frais. Ce candidat, quasi inconnu des Roumains, est pro-russe.

Refusons le chaos

Lorsqu’un modèle de société a dépassé son pic d’efficacité, il s’effondre. Il faut plusieurs siècles pour qu’un nouveau s’instaure.

Prévenus par les historiens, nous devons éviter la phase chaotique qui est à nos portes et sur nos réseaux sociaux.

Nous devons trouver la manière de donner au numérique sa pleine capacité à développer un monde efficace, juste et évolutif et faire émerger une économie duale : productive ET contributive.

Nous avons les technologies. Entravés dans le développement de notre numérique, nous pouvons construire celui qui nous va bien, sans avoir à détruire l’ancien qui ne nous appartient pas !

Les Européens sont résiliants et manifeste un grand désir de prendre leur sort en main. Ils doivent se concerter pour dessiner le modèle de société dont ils ont désormais besoin et faire émerger de vrais leaders capables d’assurer la transition avec des visions crédibles et partagées.

Laissons de côté les rois du selfie, les experts en dialectique et les diffuseurs d’idées creuses, spécieuses ou mensongères. Prêtons de préférence attention aux porteurs de visions constructives et prospectives.