Compte-rendu de la conférence sur l’Intelligence Economique
à l’Institut Supérieur d’Electronique de Paris
Compte-rendu préparé par Hayat Benrezkallah et Eduardo Hernandez, Elèves-Ingénieurs de l’EPF-Ecole d’Ingénieurs
Lancement de l’atelier IE de Forum Atena
Dans un contexte de concurrence et compétitivité économique mondiale, la France se doit de développer et mettre en œuvre une stratégie économique encore plus efficace. Cette évolution passe par une meilleure " maîtrise et protection des informations stratégiques pour tous les acteurs économiques ", selon la définition de l’intelligence économique d’Alain Juillet, Haut Responsable à l’IE.
C’est afin de participer à la sensibilisation des professionnels à cette démarche et à ces impératifs, que Jean-Marc Beignon – E=(SC)2 -, consultant et formateur en Intelligence Economique, a organisé cette conférence, en collaboration avec l’ISEP, les associations des anciens élèves de l’ISEP et de l’ISEN, ainsi que Forum ATENA, le 11 décembre 2007 dans les locaux de l’ISEP
Bernard Besson, chargé de mission auprès d’Alain Juillet, Haut Responsable de l’IE auprès du Premier Ministre a accepté de s’exprimer sur le thème : " L’intelligence économique, avantage concurrentiel et outil de performance. "
Cette conférence s’est déroulée en deux temps : M. Beignon a fait une brève présentation sur sa collaboration avec l’ISEP puis a passé la parole à M. Besson.
Cet événement est également ‘occasion de lancer officiellement l’atelier Intelligence Economique de Forum Atena, créé et dirigé par Jean-Marc Beignon.
M. Beignon et l’ISEP
Ancien élève de l’ISEP, M. Beignon est aujourd’hui consultant et formateur en intelligence économique – www.esc-2.com -. Il est le créateur de la méthodologie E=(SC)2 dont l’objectif est d’aider les entreprises à mieux " comprendre leur environnement pour agir ". Il a publié deux ouvrages, " Intelligence Economique et Entreprise ", primé en 2006 par l’Académie de l’IE et, publié en 2007 par l’IFIE, " Cohérences et Incohérences ; cinq entreprises mises en pièces ". Deux exemplaires de ce deuxième livre seront tirés au sort à l’issue de la conférence.
Il a rappelé que ISEP, son école d’ingénieurs, dont il rappelle que certains cours liés à la systémique lui ont inspiré la méthodologie E=(SC)2 propose des mastères spécialisés :
- VAMOS : Value Added Media Operational Services, mis en place en collaboration avec France Telecom
- Protection des données à caractères personnels en collaboration avec la CNIL.
Il remercie Bruno de la Porte et Pierre Decool, respectivement président de l’association des anciens élèves de l’ISEP et responsable de l’association des Ingénieurs ISEN Francilien avec qui l’ISEP est très lié, d’avoir œuvré pour que de nombreux anciens des deux écoles soient présents.
M. Beignon a annoncé qu’en coopération avec l’atelier sécurité de Forum ATENA, l’atelier IE va annoncer un grand événement à Paris, pour mars ou avril 2008.
M. Beignon a aussi fait allusion à un grand projet sur le thème de l’intelligence économique, dont l’annonce officielle aura lieu lors de l’événement précédemment cité. Les acteurs de ce projet, outre Jean-Marc Beignon, sont Denis Beautier, professeur à l’ISEP et responsable des Mastères Spécialisés, Bernard Besson (SGDN), Gérard Peliks président de l’atelier sécurité de Forum ATENA, Michel Gordin, enseignant à HEC et à l’ESSEC et Jean-Claude Possin co-auteur avec Bernard Besson de plusieurs livres sur l’IE et sur le management du risque. Un grand projet dont on reparlera !!!
" L’intelligence économique, avantage concurrentiel et outil de performance"
Intervention de M. Bernard Besson
Qu’est-ce que l’intelligence économique ?
L’intelligence économique est un mode de gouvernance ayant pour but la collecte, le tri, et l’exploitation d’informations afin d’adopter une stratégie économique compétitive en tenant compte de l’environnement.
En 2005, le Ministre de l’Intérieur a demandé la mise en place d’une politique territoriale d’intelligence économique (encadrée par le droit et la loi). Cette démarche d’intelligence s’inscrit par conséquent dans un cadre légal, licite et déontologique, opposée à la vision communément admise d’espionnage économique.
Le terme d’intelligence économique est donc à rapprocher des termes anglais et suédois " Business Intelligence " ou " Competitive Intelligence ". Il faut faire cependant attention à ne pas utiliser l’expression américaine " Economic Intelligence " qui n’est autre que
l’espionnage et le renseignement.
Par ailleurs, La Commission Nationale Consultative, réunissant 14 experts dont 8 enseignants, a produit en mai 2005 un référentiel de formation à l’Intelligence Economique, publié sous le sceau du Premier Ministre.
Ce référentiel définit 5 étapes, cinq pôles, d’enseignement de l’intelligence économique :
1- IE et environnement international
Il existe plusieurs systèmes d’intelligence économique nationaux que l’on se doit d’enseigner pour justifier et comprendre celui adopté par la France.
2- IE dans les organisations
" Tout ce que qui ne se mesure pas, n’existe pas ". Afin de répondre à cet adage, des moyens d’évaluation ont été mis en place afin de déterminer le niveau d’intelligence économique dans une entreprise. Les audits et autres formes de diagnostics sont des outils de mesure de l’intelligence économique.
L’entreprise doit comprendre que le coût engendré par une politique d’intelligence économique est moindre par rapport à celui que coûterait son ignorance
3- Transformation de l’information en connaissances actionnables : le " Knowledge Management " ou " Management des connaissances
Le but est d’obtenir des avantages concurrentiels (saisir les opportunités, éviter les menaces) en récoltant et traitant les informations disponibles sur le réseau public. Les informations collectées et traitées deviennent alors un ensemble de connaissances utiles au développement de l’entreprise.
4- La protection des connaissances
L’acquisition de connaissances stratégiques est une valeur ajoutée que l’entreprise doit protéger.
Cette protection doit passer par une politique de sécurité et de sûreté adaptés. La gestion des crises est aussi un point important de ce pôle d’enseignement.
5- Influence et lobbying
La France a adopté une politique défensive. L’offensive reste encore tabou dans notre pays. Pourtant le lobbying est un moyen légal de conquérir un marché plus important
Ces 5 étapes sont nécessaires à la compréhension de la démarche d’intelligence économique. Cependant, les PME/PMI ont énormément de mal à s’approprier cette démarche. M. Besson rappelle alors que la meilleure pédagogie est celle échangée entre les différentes entreprises et leurs expériences en IE. La création de cercle IE est un moyen d’accès à cette autoformation. Les MEDEF et Chambres de commerce et d’industries proposent ce genre d’activités encouagées par Alain Juillet.
Le cycle des questions et des réponses
Pour les PME/PMI, l’intelligence économique est la faculté de se poser des questions inattendues : ce que nous ignorons peut-il nous porter préjudice ? A partir de cette question, les entreprises développent un cycle de questions-réponses pertinentes.
Ce cycle est parfaitement mesurable en termes de qualité, quantité, pertinence et vitesse. La sécurité des informations et les process de l’organisation ne doivent pas étouffer ce cycle de questions-réponses.
Le système d’intelligence économique peut alors être défini en 4 fonctions.
1ère fonction : La mémoire
Toute entreprise possède une mémoire. L’IE revisite tous les gisements d’informations écrits à l’intérieur de l’entreprise et à l’extérieur. Les audits internes et externes sont un moyen d’accès à ces informations. Par exemple en interrogeant les détenteurs d’une partie de la mémoire de l’entreprise (fournisseurs, clients, retraités…), on peut récupérer un ensemble d’informations pertinentes, pour adapter les politiques de l’entreprise.
2ème fonction : Les réseaux
Les entreprises se doivent de traiter toutes les informations aussi bien écrites qu’orales. A cette fin il faut répertorier l’ensemble des réseaux existants dans et hors de l’entreprise et les cartographier. Il est inutile de créer des réseaux
nouveaux car l’identification et l’exploitation des réseaux existants sont suffisamment riches.
3ème fonction : L’analyse
Cette fonction correspond à la capacité de réflexion. Dans l’entreprise, certains sont capables d’analyser le flux d’informations entrant et d’avoir une vision globale. Cette fonction dite KM (Knowledge Management) peut éventuellement être externalisée.
4ème fonction : La maîtrise des 3 points précédents
La meilleure maitrise est celle que réalise chaque individu mais bien entendu elle doit être relayée, complétée, généralisée par l’entreprise elle-même en tant qu’intelligence collective et personne morale.
Dans ces conditions, l’IE devient un moyen puissant pour :
- Influencer et peser sur l’environnement de l’entreprise
- Protéger ses informations : c’est l’intelligence des risques, partie la plus perceptible de l’IE.
L’intelligence des risques
Des politiques de prévention et protection sont nécessaires à la préservation du capital " données ". La majorité des entreprises se
lancent dans une politique d’intelligence économique à la suite d’un dommage ou avatar. Il serait cependant préférable qu’elles traitent préventivement les risques qu’elles encourent :
1- Ce qui relève de la sécurité : les accidents
Tout accident s’explique en amont par une rupture de la chaine d’information.
2- Ce qui relève de la sureté : terrorisme, sabotage, malveillance
3- Les risques environnementaux : tremblement de terre, inondation…
4- Les risques managériaux : l’amnésie de savoir ou savoir-faire, l’absence de cellule de crise, les risques clients, financiers, sociétaux…
Les questions posées à M.Besson
Question : Un invité a abordé le sujet du dossier médical personnel, et son avancé.
Réponse : La télésanté est un projet actuel d’intelligence économique qui regroupe plusieurs ministères, la région Rhône Alpes va étudier la faisabilité du dossier médical personnalisé.
Question : Existe-t-il des outils qui permettent de gérer ce flux d’informations ?
Réponse : Il existe un bon nombre d’outils et logiciels français facilement repérables sur l’Internet. M. Besson a fait remarquer que les outils les plus simples sont souvent les plus efficaces.
Question : Cas des informations " grises " (écoute des conversations dans les lieux publics,…): Quelle est la position du gouvernement ?
Réponse : Pour M. Besson, ce terme n’a aucun sens : une information est soit légale, soit illégale.
Question : Légitimité de l’intuition : L’intuition peut-elle intervenir dans le système d’Intelligence Economique ?
Réponse : L’intelligence économique nécessite l’utilisation de notre esprit cartésien, critique mais aussi
de nos capacités d’intuition, de perception et d’appréhension. Le problème est d’exprimer cette intuition, d’en laisser une trace compréhensible.
M. Besson a par ailleurs insisté sur la nécessité d’informer et de sensibiliser les entreprises et les étudiants à la démarche d’intelligence économique. Une politique publique a d’ailleurs été mise en place : les groupes et associations ayant des supports de présentation sur l’introduction à l’IE sont invités à les transmettre au HRIE (Haut Responsable de l’Intelligence Economique).
Un des participants a proposé de sensibiliser les PME/PMI et étudiants au moyen de jeux et simulations (comme " Second Life "), projet qu’encourage fortement M. Besson. Que les créateurs potentiels viennent en parler avec Bernard Besson au SGDN, ils seront reçus avec toute l’attention qu’ils méritent.